Dans un paysage médiatique de plus en plus concentré entre les mains de grands groupes financiers, les médias indépendants jouent un rôle crucial pour assurer une information libre et de qualité, garantir la pluralité, et in fine, la démocratie. Aujourd’hui nous donnons la parole à des acteurs du secteur : Mathieu Molard, rédacteur en chef de StreetPress, Juliette Quef présidente de Vert, deux médias ayant bénéficié d’un prêt bancaire à la Nef, et Lucie Anizon directrice de Coop-médias, dont la Nef est sociétaire et partenaire. Ensemble, ils nous expliquent pourquoi le modèle des médias libres et indépendants, fondé sur la transparence, l’indépendance et le soutien des citoyens, est plus important que jamais.
Des modèles économiques qui reposent sur les dons des citoyens et un même objectif : l’information accessible à tous
StreetPress est un média d’information en ligne fondé il y a 15 ans. Indépendant et progressiste, il met l’accent sur des thématiques comme les violences sexistes, l’extrême droite ou encore les violences policières via des reportages, documentaires et contenus sur les réseaux sociaux. De son côté, Vert a vu le jour il y a 5 ans et se distingue par ses newsletters éditorialisées quotidiennes et hebdomadaires qui livrent de manière synthétique l’actualité sociétale, environnementale et culturelle sous le prisme de l’écologie. Vert propose également des reportages, décryptage et enquêtes sur son site internet ainsi que des vidéos produites avec des créateurs de contenus engagés sur les réseaux sociaux (notamment Instagram).
Vert et Streetpress on fait le choix de rendre l’information indépendante accessible au plus grand nombre et proposent leurs contenus en accès libre, sans obligation d’abonnement ou paiement. Leur modèle économique repose sur un système de dons à travers des “Clubs” de donateurs, ponctuels ou réguliers, qui compte chacun 6000 membres. Ces clubs peuvent proposer certains avantages à leurs membres : accès à des conférences pour StreetPress, posters à télécharger et participation à la confection des newsletters pour Vert par exemple …
Lucie Anizon explique quant à elle que Coop-medias n’est pas un média mais une coopérative visant à soutenir et structurer les médias libres et indépendants. Coop-Médias aide ces structures à diversifier leurs financements, à améliorer leur diffusion et à défendre leur indépendance face aux pressions économiques et politiques. Vert et Streetpress sont tous les deux sociétaires de Coop-médias.
Une définition partagée de l’indépendance
Pour ces trois acteurs, un média indépendant doit être autonome face aux pressions politiques, économiques et idéologiques. Lucie Anizon rappelle la définition du Syndicat de la Presse Indépendante d’Information en Ligne (SPIIL), qui stipule que ces médias doivent revendiquer la transparence, l’indépendance et l’autonomie vis-à-vis des grands groupes de presse. Mathieu Molard, quant à lui, souligne l’importance d’une indépendance économique, expliquant que l’absence de pression d’actionnaires ou de grands groupes financiers permet de mener des enquêtes sans crainte de censure.
Juliette Quef insiste aussi sur l’importance de cette indépendance vis-à-vis des partis politiques et des intérêts privés. « L’indépendance est un horizon », explique-t-elle, soulignant la nécessité d’être vigilant quant au maintien de l’indépendance et l’importance d’être transparents auprès des lecteurs au travers de rapports d’impact, du respect de la déontologie des journalistes, etc.
Le rôle des médias libres dans la démocratie
Les médias indépendants jouent un rôle essentiel dans la société. Comme le rappelle Mathieu Molard, l’indépendance permet aux journalistes de mener des enquêtes sur des sujets sensibles, de « porter la plume dans la plaie » comme disait Albert Londres, et de remettre en question les puissances en place. « Les grands groupes financiers ou l’État soutiennent rarement ces médias, car leurs contenus peuvent entrer en conflits avec les intérêts des dirigeants et déranger », déplore-t-il, soulignant que le soutien des citoyens est donc primordial.
Lucie Anizon fait écho à cette idée : « Soutenir les médias libres c’est garantir un paysage médiatique pluriel et de qualité face à une concentration extrême […] C’est un angle essentiel pour avoir une démocratie saine et non avoir des médias opaques qui défendent des intérêts privés. », insiste-t-elle.
Juliette Quef va plus loin en soulignant la menace grandissante de la désinformation, notamment avec les évolutions des plateformes comme X (anciennement Twitter) ou Méta, qui tendent à supprimer la modération au produit de notes de communautés. « On fait face à énormément de désinformation et on a besoin plus que jamais de médias qui délivrent une information vraie et solide niveau expertise », dit-elle.
StreetPress et Vert : quand les médias libres s’unissent pour décrypter l’extrême droite et le changement climatique
Face à la montée de l’extrême droite et alors que le changement climatique reste une préoccupation majeure, StreetPress et Vert ont décidé de collaborer pour creuser les liens entre ces deux thématiques. « Nos expertises se complètent », explique Mathieu Molard : “StreetPress maîtrise particulièrement les questions liées à l’extrême droite tandis que Vert possède une expertise sur les enjeux environnementaux.” Cette collaboration se traduira par des articles, enquêtes et reportages diffusés dans les newsletters Chaleurs Actuelles (Vert) et Faf (StreetPress), en lien avec ces sujets.
Juliette Quef détaille cette initiative : « C’est un exemple de partenariat éditorial qui permet de partager les compétences, les coûts et les audiences, sans avoir à recourir à la publicité. »
Quel avenir pour les médias indépendants ?
À l’heure où la désinformation se fait de plus en plus présente dans l’espace médiatique, les médias libres et indépendants comme StreetPress, Vert ou encore les initiatives collectives comme Coop-médias jouent un rôle fondamental pour assurer la diversité de l’information, la transparence et la liberté d’expression.
À travers leurs modèles économiques alternatifs basés sur le soutien direct des citoyens, ils montrent qu’il est possible de maintenir une presse libre et indépendante, loin des pressions des grands groupes financiers et médiatiques. L’enjeu majeur de leurs modèles reste la volonté et la capacité des citoyens à soutenir une presse alternative de manière récurrente ou même ponctuelle : d’où l’importance d’initiatives telles que Coop-medias pour renforcer leur visibilité et leur force de frappe.
➜ Découvrez les articles, newsletters et réseaux sociaux de StreetPress et Vert et soutenez-les en rejoignant leurs clubs respectifs de donateurs
➜ Découvrez également le projet de Coop-médias, soutenu par la Nef.
Crédits photos : Natura Sciences pour Lucie Anizon, StreetPress, Vert.